Les chroniques de Nolwenn
Le droit collaboratif : un mode amiable de résolution des différends

15 septembre 2023

Contrairement à ce que son nom peut laisser croire, le droit collaboratif n’est pas une matière du droit, comme le droit de la famille ou le droit du travail. C’est un processus de règlement amiable : un mode amiable de résolution des différends (MARD). Il est donc plus adapté de parler de processus collaboratif plutôt. Comment fonctionne-t-il ? Tous les avocats peuvent-ils pratiquer le droit collaboratif ? Quelles différences avec les autres MARD ? Tour d’horizon d’une pratique qui opère un changement de fond sur le rôle de l’avocat.

 

Le droit collaboratif : qu’est-ce que c’est ?

Pour faire simple, c’est une méthode de négociation qui permet de résoudre les litiges et de parvenir à un accord sur-mesure et surtout pérenne. L’idée est de régler les choses une bonne fois pour toute et d’éviter la résurgence de conflits postérieurement à l’accord. En effet, près de la moitié des divorces par consentement mutuel font l’objet de contentieux ultérieurs dans les deux ans après leur prononcé, pour des raisons d’interprétation, de frustration non exprimée, de concessions trop vite acceptées et tout aussi vite regrettées….

Le droit collaboratif : comment ça marche ?

Dans un processus collaboratif, chaque partie est assistée d’un avocat formé à cette méthode de négociation. Il s’agit d’une formation en plus du certificat d’aptitude à la profession d’avocat. Les parties et les avocats s’engagent à tout mettre en œuvre pour trouver une issue amiable et mutuellement acceptable.

Pour ce faire, un contrat de participation au processus collaboratif est signé par les parties et leurs avocats. Tous s’engagent à respecter des principes au nombre desquels la transparence et la confidentialité des pourparlers. L’objectif est de créer une bulle de protection autour des négociations pour éviter toute pression. Notamment, les parties ne peuvent pas saisir le juge pour faire trancher leur litige tant que le processus collaboratif est en cours, n’y menacer d’y recourir. Le juge ne sera saisi que pour faire homologuer l’accord trouvé si cela est nécessaire.

Le processus collaboratif est très structuré et suit des étapes qu’il faut passer l’une après l’autre. Le travail se fait ensemble, lors de réunion entre les parties et leurs avocats. Ces réunions suivent un ordre du jour bien précis. Les avocats font en sorte que les parties s’écoutent et communiquent entre elles en utilisant des techniques de communication comme l’écoute active ou la reformulation.

Le processus collaboratif intègre des éléments tirés de la négociation raisonnée ce qui permet de travailler en profondeur la ou les problématiques des parties et de ne pas rester sur une opposition de positions.

Le processus collaboratif : d’où ça vient ?

Le droit collaboratif (traduction littérale de collaborative law) a été créé dans les années 90 par un avocat du Minnesota (Etats-Unis), Stuart WEBB. Comme déjà dit, ce terme de droit collaboratif prête à confusion. Il n’indique pas ce qu’il est, un processus, et non une matière du droit. Il semble préférable de parler de processus collaboratif, mais droit collaboratif et processus collaboratif sont une seule et même chose. Le processus collaboratif s’est développé très largement en Amérique du Nord et est arrivé en France en 2006.

C’est un véritable changement d’état d’esprit, une manière de pratiquer le métier d’avocat qui est particulièrement indiquée dans toutes les matières où la dimension humaine est importante, comme le droit de la famille.

Pour quels types de problématiques ?

Le processus collaboratif est indiqué dans tous les cas où il y a un litige et que les parties ont envie d’éviter d’aller devant les tribunaux pour le faire trancher. Particulièrement dans les litiges où la relation est importante et qu’il faut éviter de la casser plus encore, mais au contraire la préserver. Lors d’un divorce, le couple conjugal se sépare mais le couple parental perdure et il est essentiel de le protéger.

Le recours au processus collaboratif est donc particulièrement indiqué pour les séparations (divorce, rupture de concubinage ou de PACS), mais on peut aussi l’utiliser pour des problématiques plus techniques comme les liquidations de régime matrimonial ou les successions.

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Quels avantages ?

Avec le processus collaboratif, les problèmes sont réglés en profondeur, dans leur globalité et donc sur le long terme. Les clients sont acteurs dans le processus collaboratif et ne sont pas dépossédés des pourparlers. Personne ne décide pour eux. C’est l’opposé de l’aléa judiciaire.

La finalité est de trouver un accord mutuellement acceptable et fondé sur ce qui est important pour chacune des parties. Pour autant, elles n’ont pas à faire des concessions. La négociation et le processus permet véritablement d’aboutir à un accord dans un cadre sécurisé. Tout ce qui est dit dans le cadre des réunions, tous les documents qui sont établis ou produits sont couverts par la confidentialité. Pour garantir cette confidentialité mais aussi permettre la transparence, les avocats collaboratifs ne pourraient plus assister leurs clients si le processus échouait. Il n’est en effet pas question que ce qui a pu être dit puisse être utilisé contre l’autre devant un tribunal.

Plus ou moins cher qu’une procédure contentieuse ?

Le processus collaboratif est moins onéreux qu’une procédure contentieuse. Mais il peut parfois être un peu plus onéreux que des négociations menées traditionnellement. Cela s’explique par le fait que pourparlers sont menés plus en profondeur.

Cependant, le processus collaboratif a l’avantage d’éviter les contentieux post accord qui arrivent très fréquemment lorsque les pourparlers ont été menés un peu trop vite, sans résoudre les véritables problèmes de fond ou en négligeant les aspects humains et lorsque l’accord a été fondé uniquement sur des concessions. Il présente donc un avantage financier certain sur le long terme.

Ça prend combien de temps ?

Dans un processus collaboratif, le nombre de réunions dépend de l’importance des problématiques à régler et des besoins des parties. En général, il faut compter entre 6 et 8 réunions qui s’étalent entre 2 et 8 mois. Mais il s’agit d’une procédure sur-mesure. En tout état de cause, c’est généralement moins long qu’une procédure contentieuse.

Le processus collaboratif, est-ce que c’est la même chose que la procédure participative ?

Non, la procédure participative est, comme son nom l’indique, une procédure et non une méthode de négociation comme le processus collaboratif. Elle est différente du processus collaboratif en ce sens qu’elle s’inscrit dans un cadre procédural là où le processus exclut tout recours au juge (sauf pour faire homologuer l’accord si cela est nécessaire).

Elle ne nécessite aucune formation particulière des avocats et les pourparlers sont menés traditionnellement. Ils sont toutefois encadrés en termes de durée. Si aucun accord n’est trouvé, les avocats qui ont négocié restent les avocats des parties au contentieux. Les pourparlers permettront dans certaines matières d’écourter la procédure.

En réalité, la procédure participative est plus souvent un préalable à une procédure contentieuse qu’un véritable mode alternatif de règlement des litiges. L’idée de cette procédure est de tenter de trouver un accord total ou partiel pendant un temps donné tout en se disant que si ce n’est pas le cas, on aura gagné du temps sur la suite de la procédure.

Le processus collaboratif, est-ce que c’est la même chose que la médiation ?

Non, la médiation est un autre mode amiable de règlement des différends qui se déroule avec l’aide d’un médiateur. Le médiateur est un tiers impartial, neutre. Au cours d’entretiens confidentiels, son rôle est de rétablir la communication et d’aider les parties à reconstruire un lien familial. Il favorise l’émergence d’accords.

Le médiateur est seul face aux parties qui peuvent ou non se faire accompagner de leurs avocats respectifs. Le médiateur n’est pas un juriste et il ne peut mettre en forme l’accord trouvé qui devra être rédigé par un ou des avocats et/ou homologuer par un juge. Le médiateur aide à débloquer une situation conflictuelle.

Dans le cadre d’un processus collaboratif, les parties peuvent décider de recourir à la médiation notamment pour régler leurs problèmes de communication et lorsqu’ils ont des enfants.

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