Le concept d’altérité est étudié par les philosophes, les anthropologues, les ethnologues… Le monde juridique s’en empare également, particulièrement les praticiens des modes amiables, en mettant l’accent sur l’importance de « prendre en compte l’autre ». Dans le cas d’un divorce, c’est nécessaire pour élaborer un accord véritablement satisfaisant pour les deux parties, et donc pérenne.
Évidemment, il y a un paradoxe intrinsèque et immédiat : l’avocat est avant tout formé à défendre son client coûte que coûte, à soutenir son point de vue face à une « partie adverse » considérée souvent comme l’ennemi à abattre. De l’autre côté, il n’est pas rare d’entendre une personne sur le point de divorcer dire qu’elle recherche un avocat qui soit « un tueur ». Le poids des mots…
Avec de telles bases, comment et pourquoi s’intéresser à la notion d’altérité ?
Pourquoi tout d’abord ? Parce qu’un divorce, tout comme un mariage, se fait à deux. Une réponse simple marquée au coin du bon sens, mais plus que difficile à accepter lorsque l’on est au cœur du conflit. Le divorce est une décision souvent prise après un temps plus ou moins long de souffrance et de dégradation de la relation. Au moment d’enclencher la procédure, les femmes et les hommes qui entrent dans le cabinet de leur avocat peuvent avoir atteint un haut degré de colère, de rejet, voire de haine envers l’autre. Il faut du temps pour que s’expriment les émotions et sentiments, et que la raison reprenne aussi peu à peu sa place. Car l’objectif final d’un époux est bien de trouver une solution qui lui convienne et non une solution qui ne convienne pas à l’autre. Or, si les deux se concentrent sur ce qui est vraiment important pour eux et non sur ce qui pourrait nuire à l’autre, on sort du combat et la négociation peut commencer. Et tous les négociateurs s’entendent pour dire que le secret d’une bonne négociation réside dans la compréhension des intérêts de l’autre.
Ainsi se dessine l’idée de l’altérité : prendre en compte l’autre, ses besoins, ses préoccupations, ses griefs aussi, pour les intégrer à sa propre réflexion. Les comprendre ne veut pas dire les accepter, mais c’est déjà un grand pas !
Intégrer l’altérité : un cheminement propre à chacun
Si l’on reproche souvent à la machine judiciaire d’être lente, en l’occurrence, dans le cas d’un divorce, le temps est plus que nécessaire. Chaque client suit un cheminement qui lui est propre et l’avocat doit être en mesure de le comprendre et de respecter ce rythme.
Concrètement, comment peut-il aider son client et lui parler d’altérité alors que celui-ci ne parle que de vengeance ? En se formant ! Il n’est pas évident de trouver les mots justes pour conseiller à son client d’intégrer l’autre à sa réflexion, sans qu’il ne se sente désavoué, abandonné, voire violenté. D’où la nécessité de se former pour reformater son logiciel interne. Par exemple, en processus collaboratif, on ne parle plus de « partie adverse » mais de « l’autre partie », nuance sémantique qui facilite les échanges en sortant du discours guerrier. Au-delà du choix d’un vocabulaire plus approprié, l’avocat formé utilisera des outils de communication comme l’écoute active pour aider son client, dans le respect de ses propres limites, à comprendre pourquoi il est dans son intérêt de prendre en compte cet autre dont il ne veut plus entendre parler… Pas si simple, mais l’expérience prouve qu’une telle approche aboutit, dans la très grande majorité des cas, à un accord « gagnant-gagnant » qui convient aux deux parties et qui, par conséquent, est pérenne. Un accord comme on en voudrait tout le temps !