Tout savoir sur la succession du conjoint survivant
Le décès d’un époux bouleverse bien plus qu’un équilibre affectif : il confronte le conjoint survivant à une multitude de démarches et de questions juridiques parfois difficiles à appréhender dans un moment de fragilité. Peut-on rester dans le logement familial ? Quels droits exerce-t-on sur le patrimoine du défunt ? Comment s’articulent ceux du conjoint avec ceux des enfants ou des parents du défunt ?
Comprendre les droits qui reviennent au conjoint survivant dans la succession de l’époux défunt est une étape essentielle pour traverser cette période en toute sérénité.
Ce guide, préparé par le cabinet d’avocats Soa, vous aide à décrypter les règles applicables à la succession et à comprendre les dispositifs légaux destinés à protéger le conjoint après le décès.
Les droits du conjoint survivant selon la configuration familiale
La loi organise les droits du conjoint survivant selon la composition de la famille : s’il y a ou non des enfants communs, issus d’une précédente union, ou s’il n’y a pas de descendants.
En présence d’enfants communs
Lorsque tous les enfants sont issus du couple, le conjoint survivant dispose d’un véritable choix en matière patrimoniale. Il peut opter pour :
- L’usufruit de la totalité des biens : cela veut dire qu’il conserve l’usage et les revenus de l’ensemble du patrimoine jusqu’à son décès, tandis que les enfants en deviennent nus-propriétaires.
- Un quart en pleine propriété : il hérite alors d’un quart des biens en pleine propriété. Il est libre d’en disposer, de les vendre ou de les donner.
Cette option doit être exercée dans un délai de trois mois à compter de l’interpellation par les héritiers (article 757 du Code civil). En l’absence de réponse dans ce délai, le conjoint est réputé avoir choisi l’usufruit total.
⚖️ Bon à savoir :
Le choix entre usufruit et pleine propriété doit être mûrement réfléchi : il dépend de l’âge du conjoint, de la composition du patrimoine et du niveau de revenus.
En présence d’enfants d’une précédente union
Lorsque le défunt avait des enfants d’une première union, le conjoint survivant hérite automatiquement d’un quart de la succession en pleine propriété, sans possibilité d’opter pour l’usufruit total.
Cette règle vise à protéger les enfants non communs tout en assurant un minimum de sécurité au conjoint.
💡 Le saviez-vous ?
Une donation entre époux (ou « au dernier vivant ») permet d’élargir ces droits et de laisser davantage de choix au conjoint survivant au moment du décès.
En l’absence d’enfant
S’il n’existe aucun descendant, les droits du conjoint dépendent de la présence d’ascendants :
- Si les deux parents du défunt sont encore en vie : chacun reçoit la moitié.
- Si un seul parent survit : le conjoint recueille les trois quarts.
- Si aucun parent n’est en vie : il hérite de la totalité, sauf droit de retour légal des frères et sœurs sur les biens familiaux (article 757-3 du Code civil).
📌 À noter :
Ce droit de retour s’applique uniquement aux biens que le défunt avait reçus de ses parents prédécédés, par héritage ou donation. Ces biens peuvent ainsi revenir dans la fratrie, à condition qu’ils soient toujours présents dans le patrimoine du défunt au jour du décès.
Le droit au logement : une protection essentielle
Le logement familial occupe une place particulière dans la succession. La loi prévoit deux niveaux de protection pour le conjoint survivant.
Le droit temporaire au logement
Dès le décès, le conjoint survivant bénéficie automatiquement d’un droit d’occupation gratuit du logement principal pendant un an, ainsi que de l’usage du mobilier.
Ce droit s’applique que le logement soit la propriété du couple, loué ou mis à disposition gratuitement.
⚖️ Bon à savoir :
Pendant cette période, les loyers et charges du logement sont supportées par la succession : le conjoint survivant ne doit donc rien verser.
Le droit viager au logement
Au-delà de la première année, le conjoint peut demander un droit d’habitation à vie sur le logement principal et un droit d’usage sur le mobilier.
Ce droit n’est pas automatique : il doit être expressément demandé dans l’année du décès (article 765-1 du Code civil).
La valeur de ce droit est déduite de la part successorale du conjoint ; s’il dépasse cette part, le survivant conserve tout de même le logement sans avoir à indemniser les autres héritiers.
💡 Le saviez-vous ?
Le droit viager ne concerne que le logement effectivement occupé comme la résidence principale au moment du décès. Il ne peut être ni loué ni cédé, mais peut se cumuler avec un usufruit sur d’autres biens successoraux.
L’impact du régime matrimonial sur la succession
Avant même la succession, il faut distinguer ce qui appartient à chacun des époux. C’est le régime matrimonial qui fixe cette répartition.
La communauté réduite aux acquêts
C’est le régime légal par défaut. Il distingue les biens propres de chaque époux et les biens acquis ensemble ou économisés.
Lors du décès, deux étapes se succèdent :
- La liquidation du régime matrimonial : le conjoint récupère ses biens propres et la moitié des biens communs.
- Le règlement de la succession : ses droits s’exercent sur les biens propres du défunt et sur sa moitié de communauté.
📌 À noter :
Dans un régime de communauté, le conjoint survivant est déjà propriétaire de la moitié des biens communs. La succession porte donc seulement sur la moitié des biens communs du défunt
La communauté universelle avec clause d’attribution
Ce régime, choisi par contrat, prévoit que tous les biens du couple deviennent communs.
S’il contient une clause d’attribution intégrale, l’ensemble du patrimoine revient automatiquement au survivant, sans droits de succession.
Les enfants héritent seulement au décès du second époux.
⚖️ Bon à savoir :
Le régime de communauté universelle offre une protection maximale, mais présente une limite : les enfants, notamment issus d’une autre union, peuvent exercer une action en retranchement (article 1527 du Code civil) s’ils estiment être lésés par cette clause.
La séparation de biens
Chaque époux conserve la propriété de ses biens personnels. Au décès, la succession porte donc sur les biens propres du défunt ainsi que sur sa quote-part éventuelle dans les biens indivis.
Le conjoint survivant, pour sa part, conserve la pleine propriété de ses propres biens et de sa quote-part indivise.
💡 Le saviez-vous ?
Ce régime convient lorsque les patrimoines sont distincts, mais il limite les droits du conjoint survivant. Une donation entre époux permet alors de rétablir un meilleur équilibre.
La donation entre époux : une protection renforcée
La donation entre époux, dite « au dernier vivant », est un outil souple pour améliorer les droits du conjoint.
En présence d’enfants, elle lui offre plusieurs options :
- L’usufruit de la totalité des biens ;
- Un quart en pleine propriété et trois quarts en usufruit ;
- La quotité disponible en pleine propriété (½ avec un enfant, ⅓ avec deux, ¼ avec trois ou plus).
Elle se signe devant notaire et reste révocable à tout moment. Le conjoint survivant choisit ensuite, au décès, la formule la plus adaptée à sa situation.
⚖️ Bon à savoir :
Cette donation n’a d’effet qu’entre époux : elle devient caduque en cas de divorce.
Les démarches à accomplir par le conjoint survivant
Dans les semaines qui suivent le décès, certaines démarches sont indispensables pour préserver vos droits et assurer la bonne gestion du patrimoine.
- Obtenir les documents d’état civil : acte de décès, livret de famille.
- Identifier les comptes bancaires et informer les établissements concernés.
- Recenser les assurances-vie dont vous êtes bénéficiaire.
- Contacter un notaire pour ouvrir la succession et établir l’acte de notoriété.
Le notaire dresse ensuite l’inventaire des biens et dettes, liquide le régime matrimonial et répartit les droits entre héritiers.
📌 À noter :
La déclaration de succession est obligatoire dans les six mois du décès (un an en cas de décès à l’étranger), même si aucun droit n’est dû.
⚖️ Bon à savoir :
L’acceptation pure et simple d’une succession rend le conjoint responsable des dettes du défunt. Pour se protéger, il est possible d’accepter à concurrence de l’actif net et de limiter ainsi la responsabilité.
Couples non mariés : quelles protections ?
Le partenaire pacsé
Le partenaire pacsé n’est pas héritier légal. Sans testament, il ne reçoit rien du patrimoine du défunt.
Il bénéficie toutefois d’un droit temporaire au logement d’un an et d’une exonération totale de droits de succession.
💡 Le saviez-vous ?
Un testament permet de léguer au partenaire des biens dans la limite de la quotité disponible et de garantir ainsi une protection complémentaire.
Le concubin
Le concubin ne bénéficie d’aucun droit successoral ni de droit au logement.
Seule une assurance-vie ou un testament peut lui permettre de recevoir des biens. En l’absence de lien de parenté, les droits de succession sont taxés au taux de 60 % sur la valeur nette des biens transmis, après un abattement limité à 1 594 €.
Les solutions pour renforcer la protection du conjoint survivant
Même si la loi lui accorde, en matière de succession, une protection de base, il existe plusieurs dispositifs pour sécuriser durablement le conjoint survivant et adapter la transmission à la situation du couple.
Le testament : un cadre sur mesure
Le testament permet d’attribuer au conjoint la quotité disponible et d’organiser la répartition du patrimoine.
Il peut également prévoir une attribution préférentielle du logement familial ou d’un bien professionnel, afin de préserver la stabilité du conjoint.
💡 Le saviez-vous ?
Un testament olographe (rédigé à la main) reste valable, mais l’enregistrement chez un notaire garantit sa conservation et évite toute contestation.
L’assurance-vie : un atout de rapidité et de souplesse
L’assurance-vie permet le plus souvent de transmettre un capital en dehors de la succession, les fonds étant versés directement au bénéficiaire désigné.
Cependant, cette exclusion n’est pas absolue : certaines situations, comme des primes versées après 70 ans ou jugées manifestement exagérées, peuvent entraîner la réintégration partielle du capital dans la succession.
Elle offre une liquidité immédiate, souvent précieuse pour faire face aux dépenses urgentes, et permet d’avantager le conjoint sans léser les héritiers.
⚖️ Bon à savoir :
Pour maximiser les avantages fiscaux, veillez à effectuer les versements avant 70 ans et à actualiser régulièrement la clause bénéficiaire.
Le changement de régime matrimonial : un levier de protection
Modifier son régime matrimonial peut renforcer considérablement la protection du conjoint.
Par exemple, la communauté universelle avec clause d’attribution intégrale transfère automatiquement l’ensemble des biens communs au conjoint survivant, hors succession.
Les enfants n’héritent qu’au décès du second époux.
Le changement de régime matrimonial nécessite un acte notarié.
Depuis la réforme du 23 mars 2019, il peut intervenir à tout moment du mariage, sans condition de durée, et n’exige une homologation judiciaire que si des enfants majeurs ou des créanciers s’y opposent (article 1397 du Code civil).
La SCI : une gestion patrimoniale souple
Créer une Société Civile Immobilière (SCI) permet d’organiser la détention et la transmission des biens immobiliers de manière progressive.
Les statuts peuvent inclure des clauses protectrices : maintien du conjoint dans le logement, droit de vote renforcé ou gérance exclusive.
⚖️ Bon à savoir :
La détention via une SCI n’écarte pas les règles successorales : les parts sociales sont soumises au partage entre héritiers selon les droits légaux.
L’exonération totale des droits de succession du conjoint survivant
Le conjoint survivant bénéficie d’une exonération complète de droits de succession, quel que soit le montant hérité (article 796-0 bis du CGI).
Cette exonération s’applique aux successions légales comme aux legs testamentaires.
📌 À noter :
La déclaration de succession reste obligatoire, même en cas d’exonération totale des droits de succession.
La succession d’un conjoint décédé repose sur un équilibre délicat entre protection du survivant, droits des héritiers et enjeux fiscaux liés à la transmission du patrimoine.
Si le notaire encadre les démarches administratives et fiscales, l’avocat en droit des successions veille à la sécurité juridique du processus, à la défense des intérêts du conjoint et à la préservation des liens familiaux.
Au cabinet d’avocats Soa nous accompagnons les conjoints survivants à chaque étape : choix de l’option successorale, exercice du droit au logement, règlement de la succession devant le notaire ou saisine du tribunal en cas de contestation ou de difficultés entre les héritiers.
Parce qu’une succession ne se résume pas à des calculs, nous nous attachons à offrir un accompagnement à la fois juridique et humain — pour que cette étape, souvent éprouvante, se déroule dans la sérénité et le respect des volontés de chacun.
FAQ – Succession du conjoint survivant
Le conjoint hérite d’un quart en pleine propriété, sans option d’usufruit, sauf donation entre époux préalable.
Non. Il bénéficie d’une exonération totale, quelle que soit la valeur de l’héritage, mais la déclaration reste obligatoire.
Grâce à la donation entre époux, au testament, au changement de régime matrimonial ou à l’assurance-vie, selon la situation familiale et patrimoniale.